Sécession bis by Pierre Pelot

Sécession bis by Pierre Pelot

Auteur:Pierre Pelot [Pelot, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2-265-03654-4
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 1987-07-31T16:00:00+00:00


CHAPITRE VI

Si les collines qu’on ne faisait que deviner une heure auparavant s’étaient maintenant matérialisées, de façon telle qu’on ne pouvait plus douter de leur appartenance à la terre (et non plus descendues de quelque mirage nuageux traînant bas sur l’horizon), elles ne soulevaient pourtant pas de façon radicale la platitude du paysage. Bien réelle, leur présence avait pourtant quelque chose de mouvant, et elles semblaient s’écarter au fur et à mesure qu’on allait vers elles, qu’on risquait peut-être de s’en approcher de trop près. Elles étaient là, à plusieurs miles, la distance et la brume d’hiver empêchant de distinguer nettement leurs imbrications, en une barre unie de teinte bleu-violet, comme un feston décoratif courant sur le rebord incurvé d’une grande cuvette. C’était ce genre de collines que vous escaladez sans peine, sans presque vous en apercevoir, en été, séduit tout entier par les odeurs qui y flottent et l’ombre des pins dans laquelle on se coule comme on pénètre dans l’eau tiède d’un bain.

Sinon, c’était toujours la même platitude.

Presque la même, à quelques petites différences et modifications près. Par exemple, des flaques et des traînées de ces pins descendus des collines, qui s’élevaient en nombre plus important, ici et là dans les légères dénivellations de terrain, comme pour dénoncer (plus que pour protéger de leur ombre, en ces temps frais et gris) la présence d’une grange massive ou d’un hangar à machines agricoles. Par exemple aussi, cette route droite, maintenant légèrement ondulante, n’était plus la seule : une autre, de terre jaune, sur laquelle en été le passage d’un simple rat devait soulever deux pieds de poussière, coupait la 49 à angle droit, venant des collines et filant vers les collines, formant donc ce carrefour esseulé au bord duquel se dressaient les trois maisons : les trois dernières puces au monde, eût-on dit, qui se seraient précipitées sur le dos du seul chien survivant.

Les trois maisons se rangeaient le long de la 49, côté droit, à quelque vingt ou trente pas du chemin jaunâtre, comme pour établir une certaine distinction et bien montrer à quelle catégorie de voyageurs elles prétendaient avant tout proposer la halte. Prétentieuses et hypocrites. Car il ne faisait pas l’ombre d’un doute que sans l’existence du chemin de terre jaune et des petits fermiers perdus dans les alentours qui l’empruntaient, les trois bâtisses n’eussent trouvé aucune raison valable de croître là plutôt qu’ailleurs, c’est-à-dire nulle part.

Il y avait un hangar, au large vantail grand ouvert telle une plaie sur le contenu d’un ventre, dans lequel s’entassait apparemment tout ce qui se relègue dans ce genre de hangar : voitures dont on n’a pu, ou voulu, se débarrasser d’une autre façon, et qui ne méritent pas l’abandon pur et simple au bord de la route, pneus, caisses remplies de vieux magazines, sacs-poubelles, boîtes de carton débordant de toutes sortes de détritus non périssables en attente de transfert pour quelque décharge, etc.

Il y avait un bâtiment aux cloisons ouvertes ; une vulgaire armature et charpente métalliques avec



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